Lors de la conférence au Pavillon de l’Arsenal le 26 novembre dernier pour la présentation de notre ouvrage « ça déménage dans l’aménagement », écrit en partenariat avec Catherine Sabbah, plusieurs intervenants sont venus réagir aux grands enseignements que nous présentions.

Marc Villand, président de la FPI Ile-de-France est notamment intervenu pour tenter de répondre à la question : l’étalement urbain est-il inéluctable ?

Nous sommes allés le rencontrer pour poursuivre le débat.

– La France ne manque pas de terrains, puisque seulement 9% du territoire est artificialisé. Est-ce pour cela qu’on s’est étalé sans trop s’interroger ?

“Oui, nous semblons avoir pris conscience de la nécessité d’économiser l’espace en 2010 avec le Grenelle II.

La position paraissant faire consensus était très différente, il y a peu. L’étalement urbain c’était :

  • Une croissance démographique qui encourageait cet étalement urbain,
  • Vouloir vivre plus près de la nature (vs la « Nature en Ville » aujourd’hui)
  • La mise à disposition des moyens de transport performants
  • Des activités industrielles s’étalant sur de larges espaces
  • Des logements en périphérie à des prix abordables

De plus, la politique de l’Etat encourageait l’étalement urbain, avec la création des villes nouvelles, des EPA et le dispositif de zonage. D’ailleurs, l’étalement urbain a toujours ses défenseurs, au regard des polémiques autour du PTZ, de la construction de maisons, du zonage PINEL …”

 – Qu’en est-il aujourd’hui ?

“Comme je viens de le dire, il s’agit maintenant de faire rentrer la nature en ville. Pour la première fois depuis longtemps, la population de Paris augmente à nouveau. Mais il reste cependant des paramètres contraires : le télétravail permet d’habiter plus loin pour s’offrir plus d’espaces, le coût du foncier dans l’hypercentre repousse certains plus loin, le TGV raccorde rapidement à Paris, et permet les implantations régionales, le Grand Paris Express va définir un périmètre plus large qui pourra ouvrir une tentation de s’éloigner davantage, et la téléconsommation peut permettre de se passer de la proximité des commerces.”

 – Donc il n’y a pas d’évidence pour lutter contre l’étalement urbain ?

“A mon sens, il peut y avoir un consensus, pour une ville dense, compacte, et cohérente.”

– Quel est le modèle à mettre en place pour cela ?

“Ce pourrait être une ville haute, en faisant des immeubles de grandes hauteurs, mais nous pouvons constater une résistance des habitants, et par ailleurs, la ville haute n’est pas toujours économisatrice d’espaces, en témoignent les quartiers des grands ensembles.

On pourrait faire des logements plus petits, mais c’est assez contraire aux aspirations de la population.

Le modèle, c’est celui de la ville cohérente, elle est dense, elle est enchevêtrée, elle mélange habitat et emploi, elle fait entrer la nature en ville, elle comporte un réseau puissant de transports collectifs, mais aussi des circulations douces. Enfin, elle se renouvelle sur elle-même.”

– D’après vous, quels outils permettent de mettre en place cela ?

“Je dirais que l’urbanisme en France repose sur une tension, mais qui ne fonctionne pas de façon optimale.

Nous avons l’Etat d’un côté, qui dispose d’un arsenal réglementaire (loi, code de l’urbanisme, les pouvoirs du Préfet notamment en matière de carence, …) mais qui ne prend pas suffisamment en compte les problématiques locales (j’ai en tête une ville par exemple qui a été frappée de carence alors que son plan de construction a été bloqué par des recours)

D’un autre côté, il y a les collectivités locales, qui organisent les villes (PLU, PLUI, permis de construire, plan des équipements publics) mais qui bien souvent n’appliquent pas les règles qu’elles ont elles-mêmes fixées : par exemple, combien y-a-t-il de zones pavillonnaires où le PLU permet de construire mais qui sont sanctuarisées en pratique ?

Enfin, nous avons la population, qui peut s’exprimer dans le cadre des enquêtes publiques, de la concertation, de son droit de recours, mais qui a souvent des positions contradictoires : je veux me loger, mais je ne veux rien devant chez moi, par exemple.”

– Vous êtes en train de dire que les outils existent, mais qu’il y a beaucoup de contradictions ?

“Oui, et les nouveaux concepts sont donc à manier avec précaution. Il ne faut pas que la lutte contre l’étalement urbain se traduise par une règle de plus, car alors le métier de promoteur va se résumer à savoir profiter des contradictions entre les règles, à se caler dans les interstices au détriment de faire la ville belle.”

– Mais alors, comment faire cette ville cohérente ?

“J’ai plusieurs propositions.

D’abord, savoir payer les études d’urbanisme. Il faut accentuer la recherche objective multidisciplinaire car elle recouvre le sanitaire, le biologique, l’urbain, l’économique.

Ensuite, arrêter de faire de l’urbanisme électoral. L’urbain ne se détermine pas à 5 ans, mais à 15-20 ans. Cela pourrait être par exemple un vote démocratique tous les 10 ans au niveau métropolitain sur les grandes orientations urbaines.

Il faut aussi renforcer la collaboration entre l’Etat et les collectivités locals sur les documents stratégiques, avec une mise en place sur le long terme.

Les documents opérationnels doivent être rédigés de façon différente, en associant les professionnels, le public, en s’engageant sur une densité minimale, en proposant une durée d’application hors période d’élections, en réalisant un rapport quinquennal sur les réalisations.

Enfin, il faut être plus concret, plus pédagogique, plus courageux vis-à-vis des populations.

Bref, le chantier devant nous est immense !”

***

Par La Rédaction

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