Office public de l’habitat de Bordeaux Métropole, Aquitanis s’est doté d’une direction de l’aménagement dans les années 1990. Parallèlement à la gestion d’un patrimoine de plus de 20 000 logements locatifs sociaux, Aquitanis compte un portefeuille de près de 10 opérations d’aménagement dans la région Nouvelle Aquitaine. Désigné en 2002 pour aménager la ZAC englobant le quartier des Sécheries, Aquitanis a contribué au montage et à la concrétisation du parking silo de l’opération. Dans cet entretien – 4ème opus thématique de notre saga du parking des Sécheries – Adrien Gros, directeur de l’aménagement d’Aquitanis, revient sur les réflexions qui ont guidé le montage économique et juridique du parking mutualisé et réversible.

Comment Aquitanis, est-il devenu aménageur du quartier des Sécheries ?

Nous faisons de l’aménagement depuis 25 ans. Historiquement, Aquitanis est le bailleur social de la Métropole de Bordeaux : la direction de l’aménagement a été créée à l’époque où la Métropole ne disposait pas des outils opérationnels nécessaires aux projets d’aménagement qu’elle engageait en première couronne bordelaise. La répartition des missions d’aménagement s’est alors faite entre BMA [Bordeaux Métropole Aménagement, SAEML de la Métropole, ndlr] et Aquitanis : cette logique nous a conduits à travailler à Cenon, à Pessac, à Ambarès-et-Lagrave… notre mission d’aménageur sur le quartier des Sécheries, à Bègles, est aussi héritée de cette époque.

Lors de la création de la Fab[1], nous avons choisi de maintenir notre activité d’aménageur. Nous avons alors élargi notre territoire d’intervention en regardant à l’échelle de la Nouvelle Aquitaine, en proposant également des prestations d’AMO pour des petites collectivités en déficit d’ingénierie. Dans ce cadre, nous travaillons aujourd’hui à Biganos (33), à Mouguerre (64), à Aytré (17)… et continuons à répondre aux consultations aménageur, dès lors qu’il y a une forte ambition sur l’écologie et la participation habitante. Plus récemment, nous avons également créé une activité d’occupation temporaire en association avec Plateau Urbain, toujours pour se diversifier.

Parlons montage : comment le choix de gestionnaire s’est porté sur Metpark ?

La demande de faire un parking réversible émanait des élus de Bègles, principalement. Lors de la refonte de la ZAC [en 2010-2012, ndlr], le cahier fondateur du projet – élaboré par l’ensemble des partenaires techniques et politiques du projet – mettaient l’accent sur le besoin de faire un quartier capable d’anticiper l’évolution des usages… notamment des voitures. La réversibilité du parking était donc un invariant de l’opération, et tous les choix ont été guidés par cet axe de projet.

Vue d’ambiance du projet des Sécheries © Diane Berg ; Aquitanis

De son côté, la Ville de Bègles avait le retour d’expérience de Terre Sud, avec une gestion de parking réversible – plutôt orienté vers une adaptation en bureaux. Pour garantir la réversibilité du parking silo des Sécheries, il était capital, à nos yeux et celle et ceux de la Métropole, de conserver le bâtiment dans le domaine public. La maîtrise d’ouvrage orientait donc les choses vers un gestionnaire unique, et public… le choix de la régie Metpark, anciennement dénommée Parcub[2], s’est donc faite assez naturellement.

D’autres circonstances et critères ont conforté ce choix. À l’époque, la régie souhaitait développer ses activités. D’un point de vue calendrier, ce choix nous a également permis de faire les choses plus rapidement qu’avec une procédure de sélection de gestionnaire privé. Côté Aquitanis, nous avions tout de même étudié et proposé un scénario avec une gestion privée, mais l’analyse montrait que cette hypothèse n’était pas plus performante sur les plans de l’économie, de la rentabilité ou de la réversibilité. Et puis, il faut savoir que le Maire de Bègles siège au CA de Metpark : cette relation directe entre la Ville et la régie permet aussi à la collectivité de garder un contrôle sur la réversibilité du parking.

En tant qu’aménageur, avez-vous accompagné le gestionnaire dans l’ambition du réversible ?

Oui, nous avions contribué à rédiger le cahier des charges de maîtrise d’œuvre pilotée par Metpark. Tout au long des études, nous avons également assuré le traditionnel suivi de l’avancée du projet.

En revanche, nous n’avions pas du tout orienté la destination programmatique en phase réversible. Ce point était très libre, et les propositions de Duncan Lewis, désigné lauréat du concours, en témoignent : on voyait du logement, du bureau, d’autres usages sur ses perspectives. Demain, ce sera à Metpark de décider le moment venu si le bâtiment doit être adapté et de quelle manière.

Le silo de parking livré par Duncan Lewis Scape Architecture © Alban Gilbert ; Aquitanis

Au-delà du choix de gestionnaire public, pourquoi avoir choisi l’amodiation ?

Le contrat d’amodiation allait de pair avec l’opérateur public. Ce montage a suscité beaucoup de débats mais ses modalités sont très claires, en fait. Les habitants payent à l’acquisition de leur logement, sur 20 ans, un droit de jouissance de 13,5k€ HT (soit 16,2k€ TTC) la place de parking. La mensualité de contribution aux charges et d’entretien s’ajoute à ce prix. Mais in fine, les habitants ne sont pas propriétaires de la place de parking : ils ont payé un droit d’usage et Metpark demeure plein propriétaire du bâtiment.

Tous les propriétaires se voient, au titre du PLU, obligés d’acheter une place de stationnement… Aquitanis aussi. En tant que bailleur social sur le quartier, nous sous-louons donc à nos locataires des places de parking en complément de leur logement.

Dans tous les cas, l’amodiation n’a pas grand-chose à voir avec le caractère réversible du parking. Ce choix aurait été fait dans tous les cas : il était plutôt motivé par la recherche d’une gestion efficace du foisonnement.

Justement : entre réversibilité et foisonnement, comment avez-vous dimensionné le parking ?

Là aussi, c’est très simple : le nombre de places du parking a été mathématiquement dicté par le règlement du PLU. On a 405 places, chacune étant affectée à un logement. Le foisonnement est permis par le fait que le parking soit un équipement public (i.e. le fait de ne pas avoir de place attitrée) d’une part, et le fait que les besoins en stationnement des lots résidentiels soient mutualisés (i.e. le fait que l’on traite un grand volume de stationnement) d’autre part. De fait, on observe que l’on a une occupation de 80 à 90% grâce au foisonnement. C’est grâce à cette logique de foisonnement que de nouveaux utilisateurs du parking pourront se manifester progressivement.

Là où la logique de détachement de la place de parking du logement nous a compliqué la tâche, c’est sur l’instruction des permis de construire. Il fallait que l’on justifie, pour chaque PC, le fait que l’on n’ait pas pu faire les stationnements à la parcelle…

La mutualisation et la recherche de foisonnement nous ont également imposé un travail avec les notaires, parce que certaines banques étaient frileuses à l’idée de faire un prêt immobilier en constatant que le logement et l’usage du parking étaient achetés via deux contrats distincts. Avec les notaires, nous avons donc démontré que la place de parking était un bien accessoire au logement, et qu’il convenait de l’englober dans un prêt immobilier d’ensemble plutôt qu’un prêt à la consommation à part.

Au-delà de ces sujets, qui étaient plutôt propres au caractère mutualisé du parking, le caractère réversible ne nous a pas imposé de problématique particulière.

Façade sud du parking silo réversible © Alban Gilbert ; Aquitanis

Si c’était à refaire demain, comment vous y prendriez-vous pour améliorer ce parking réversible ?

Nous en avons parlé : les frais de jouissance et de gestion du stationnement auraient pu être mieux répartis pour alléger les contributions mensuelles des ménages. Il est clair que c’est un sujet qui a beaucoup fait débat, qui serait mieux anticipé désormais.

L’ordonnancement du choix d’acteurs aurait pu être fluidifié également. Sur les Sécheries, nous avions choisi les opérateurs immobiliers avant de décider du montage public du parking, c’est-à-dire avant de faire les choix de la mutualisation et de l’amodiation. Ces modes de gestion, qui n’étaient pas habituels pour les promoteurs, ont suscité des difficultés de commercialisation et autres quiproquo… aujourd’hui encore, plusieurs années après les premières livraisons, on rattrape encore le discours commercial.

En fait, c’est très important que le transfert se fasse bien entre les équipes de montage et de commercialisation au sein des promoteurs, sinon tout le monde perd beaucoup d’énergie. Certains commercialisateurs ont dissocié le prix du logement et du parking par exemple, alors que les accédants réfléchissent en coût parking inclus. Les prix des logements étant déjà 5 à 10% inférieurs au prix du marché, cela a créé des effets d’aubaine sur fond de malentendu.

Si c’était à refaire, nous le referions, oui, mais pas dans tous les contextes. Il y a des économies de projet qui sont favorables au parking silo, à la mutualisation, à la réversibilité… et d’autres, non. Sûrement qu’en zone métropolitaine tendue c’est pertinent, ailleurs j’y crois moins.

***

Propos recueillis par Marie Fruleux, Alexandre Murer ; mars 2021

[1] La Fabrique de Bordeaux Métropole, SPL de Bordeaux Métropole, a été créée en 2012. Pour en savoir plus sur la SPL, lire notre interview de son directeur général délégué, J. Goze !

[2] Depuis le 1er janvier 2020, la régie métropolitaine de stationnement Parcub est devenue Metpark. La structure gère plus de 30 parkings dans la métropole girondine.

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