Dans le cadre de notre livre blanc en faveur de la ville pour tous, nous souhaitons donner la voix aux collectivités, au premier plan pour porter les questions d’inclusion. Avec Florence Delaunay, adjointe droits-égalité à la mairie de Lyon, nous avons pris un temps de recul sur l’histoire de Lyon en matière de prise en compte de tous les publics, afin d’aborder succinctement les premiers chantiers de la nouvelle mandature en la matière ! 

Florence Delaunay, adjointe droits-égalité à la mairie de Lyon
  • Pouvez-vous revenir sur la philosophie générale animant l’équipe municipale lyonnaise ?  

L’une des volontés fortes de Grégory Doucet était d’ouvrir les postes de tête de liste à des personnes non issues du parti Europe Ecologie les Verts durant la campagne, puis dans la distribution des postes d’adjoints, et ce dans une démarche de rupture avec les modes de faire classiques de la parité. Ainsi, la première adjointe en charge des finances est une femme, tandis que la petite enfance a été confiée à un homme. Le principe de la campagne était fondé sur le constat suivant : il n’y a pas de transition écologique possible sans être adossée à une transition sociétale et un vrai changement social. C’est même plutôt la transformation de la société qui favorisera la transition énergétique, écologique, environnementale. Dès l’élaboration du programme municipal, nous nous sommes demandé ce qui permettait d’œuvrer pour la ville inclusive, c’est pourquoi aujourd’hui, lorsque j’interpelle un adjoint sur la question de l’égalité d’accès à l’espace public, du fait de ma délégation égalité femme/ homme, personne ne tombe des nues. C’est vraiment ancré dans la culture de la mandature actuelle.

  • Quel a été votre constat en matière de ville pour tous lors de votre arrivée à la Mairie ?

Jusqu’à notre arrivée, le sujet avait été défriché de manière classique, soit en silo selon les différents services et selon les thématiques. Il y avait déjà eu des réflexions sur le genre dans l’espace public, ou sur le handicap, à l’image du travail entre la ville et les associations dédiées, via des ateliers thématiques que nous cherchons à faire perdurer. Avec un adjoint spécifiquement tourné sur la question, nous avons introduit la question des enfants. A travers la démarche de labellisation « Ville amie des ainés », nous travaillons sur la question du vieillissement. Sur le genre, nous allons publier prochainement un état des lieux sur le partage égalitaire de l’espace urbain.

  • Comment vous positionnez-vous par rapport à la mandature précédente vis-à-vis de la ville pour tous ?

Notre prisme théorique pour aborder la ville pour tous, c’est que les villes ont historiquement été conçues et réalisées par des hommes valides, avec un point de vue qui semblait alors universel. C’est ce point de vue androcentré qui, couplé au règne de l’automobile, a entrainé la réduction des trottoirs, l’abattage des arbres etc. Lyon n’a pas échappé à la règle, au contraire, à l’image du quartier Perrache, véritable bijou au 19ème siècle, et aujourd’hui transformé en nœud autoroutier. Avec l’objectif de l’époque centré autour de l’accueil de consommateur en centre-ville, soit une posture productiviste et utilisatrice, une congestion sans pareille a été créée, et sur laquelle se sont orientés de nombreux débats lors des élections municipales. Il est aussi important de rappeler que depuis les années 1990, les métropoles se sont lancées dans des concours d’architectures avec la construction de bâtiments monumentaux et emblématiques, souvent très hauts, sans questionner les principes budgétaires devant permettre de rendre la ville plus inclusive au profit de l’intérêt général. Par exemple, faire en sorte que les enfants bénéficient de préaux couverts, augmenter le nombre de piscine par habitant, avec des dimensions accessibles à tous, c’est une autre conception de l’action publique emblématique et une autre conception des budgets.

  • Quelles sont les perspectives que vous vous donnez aujourd’hui ?

Nous avons mené une réflexion pour renforcer un endroit plutôt insécurisant de Lyon, à savoir la place Gabriel Péri. Cette place a historiquement fonctionné comme une porte d’entrée de ville, soit un point de fixation pour des populations migrantes depuis les années 1950. Pâtissant d’une image de place plutôt mal fréquentée, elle est aujourd’hui évitée par de nombreuses femmes, et communément appelée « la place des hommes debout ». Il existe aujourd’hui de très grandes attentes de la part des habitants pour apaiser cette place, qui accueille un marché de la misère avec de nombreux vendeurs à la sauvette, ainsi que des trafics divers. Pour y remédier, nous avons organisé neuf groupes de travail, dont un nommé « faire sa place à l’égalité des genres ». Nous avons questionné des usagers, des collectifs de femmes, et divers acteurs, qui nous ont fait part de nombreuses préconisations, telles que des toilettes propres, de l’éclairage, l’élargissement des trottoirs, l’organisation de l’espace public etc. Un chef de projet va être prochainement nommé par les groupes de travail pour synthétiser les travaux des différents ateliers et venir nourrir le cahier des charges de la place.

Place Gabriel Péri à Lyon

L’un des sujets sur lesquels nous travaillons est l’élaboration d’une ville inclusive ne segmentant pas les usagers, avec d’un côté des espaces de jeux pour les enfants, des city stades uniquement occupés par des hommes etc. Et si nous arrêtions de séparer systématiquement les publics, en développant des espaces de jeux non genrés ? A ce titre, nous essayons de développer un processus de vérification a posteriori des politiques publiques, notamment dans l’usage effectif des espaces qui sont créés. Par exemple, compte tenu de l’équilibre entre hommes et femmes au sein de la ville, si nous n’arrivons pas à cette représentation au sein des aménagements proposés, nous devons nous interroger sur ce que nous avons fait ou pas fait. C’est ce vers quoi nous tendons lorsque nous réaménageons des cours d’école pour arriver à moins de bitume. Ce type d’indicateur devrait également être développé pour aborder la question du handicap, en gardant bien en tête que de nombreux handicaps sont invisibles.

***

Le travail des collectivités est largement questionné dans le cadre de notre livre blanc, à paraître très prochainement. Plus que quelques semaines d’attente !

Ouvrage réalisé avec le soutien de ALIOS, AREP, BNP PARIBAS REAL ESTATE, CITALLIOS , et le CONSEIL DEPARTEMENTAL DES YVELINES

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