Alain Bertrand, directeur général adjoint de la Samoa. Nantes (Loire-Atlantique) 10/2010 © Jean-Dominique Billaud/Samoa

La Société d’aménagement de la métropole Ouest Atlantique (Samoa) est l’aménageur fondé en 2003 pour transformer l’île de Nantes, qui accueillait des chantiers navals, en un vaste quartier mixte où habiter, travailler et commercer. La Samoa a récemment fait du commerce un levier de politique locale d’aménagement pour animer les nouveaux quartiers et répondre aux besoins de proximité. Retour sur nos échanges avec Alain Bertrand, Directeur Général Adjoint de la Samoa, sur la méthode mise en place pour activer les rez-de-chaussée de l’île dès les premières livraisons.

  • Pouvez-vous nous raconter pourquoi la question du commerce est devenue une préoccupation sur l’Île de Nantes ?

La démarche que nous avons mise en place sur l’Île de Nantes est aujourd’hui bien identifiée comme « la ville du quart d’heure » mais cela n’a pas toujours été le cas. Pour comprendre pourquoi la question du commerce est devenue une véritable préoccupation pour nous, il faut d’abord en revenir à la genèse de ce vaste projet d’aménagement. Lorsque les chantiers navals de l’île ferment en 1987, plusieurs projets en tout genre florissent pour aménager cette friche au cœur de la Métropole Nantaise… L’arrivée de Jean-Marc Ayrault à la mairie en 1989 y met fin à la faveur de réflexions structurantes sur le devenir de l’île amenant, un an plus tard, François Grether et Dominique Perrault à considérer l’île comme un « tout ». Le ton est donc donné pour les trente prochaines années à venir : l’île est une seule et même entité intégrée, à transformer profondément… en quartier où vivre et habiter.

Les dés sont lancés, l’île peut entamer sa renaissance : Alexandre Chemetoff et l’Atelier de l’île de Nantes marqueront les esprits, dans un premier temps, avec la transformation des Chantiers Navals à l’Ouest, des Halles Alstom… qui verront les Machines s’installer par exemple. Après 2010, l’équipe de Marcel Smets prend le relais et s’engage dans la constitution du quartier de la Prairie-au-Duc, le projet du futur CHU de Nantes avec toute une réflexion autour des transports en commun. En 2016, Jaqueline Osty et Claire Schorter sont désignées autour de la conception paysagère et du grand parc mais aussi de la constitution du quartier République.

Or, lorsque l’aménagement de la Prairie-au-Duc débute en 2010, la question du commerce avait peu été considérée jusque-là, comparé au caractère événementiel pour rendre l’île attractive et vivante. Une « logique verticale » dans la production de commerces avait alors prévalu et le commerce n’était que la résultante d’une opération immobilière de bureaux ou de logements. Les quartiers tels que celui de la Création connaissaient le phénomène des « carreaux de plâtres », à savoir des commerces en rez-de-chaussée vides, devenant une véritable préoccupation pour nous.

  • Quels ont été les leviers pour en faire une politique locale d’aménagement ?

Nous avons engagé une étude avec l’agence de développement économique Objectif Ville pour identifier les commerces existants afin de faire émerger les péréquations possibles entre les besoins et la réalité du marché. On souhaitait éviter les franchises, des prix trop élevés à cause de logiques d’investisseurs et imaginer un système d’accueil des commerces dès les premières livraisons pour animer le quartier. Nous avions la volonté de faire du commerce de proximité (à la différence du commerce de destination) en prenant en compte que, longtemps, la métropole nantaise a souffert de la suroffre de grands centres commerciaux en périphérie.

Nous avons ainsi voulu mettre en place une « logique horizontale » ayant pour principes de caper les coûts de sortie en loyer ou en vente, et avec un volet opérationnel grâce à un cahier des charges. Dès 2013, nous avons pu soumettre le plan de marchandisage que nous avions dressé avec Objectif Ville, au sein d’un dossier de consultation à destination d’opérateurs commerciaux. L’objectif était de trouver un partenaire unique pour co-concevoir les cellules commerciales et les gérer, tout en s’assurant de la faisabilité de l’opération en amont des constructions.

Nous avons ainsi retenu le Groupe Chessé ayant la particularité d’être un acteur local : la proposition faite a favorisé l’animation des commerces de proximité au travers d’une bonne connaissance du tissu local (pour identifier des porteurs de projets) et en favorisant une signalétique forte au sein du quartier. Les loyers exercés sont également progressifs pour favoriser l’installation des commerçants dès le début des opérations. Aujourd’hui, près de la moitié du quartier de la Prairie-au-duc est réalisé et 85% des commerces sont ouverts !

  • Avez-vous vocation à pérenniser cette méthode que vous avez expérimentée ?

Le partenariat expérimental, qui garantit au Groupe Chessé l’exclusivité des cellules commerciales pour tous les lots du quartier, lui permet également d’anticiper et d’absorber le risque, tandis que nous favorisons un dispositif de long terme avec l’obligation pour l’opérateur de demander l’accord à l’aménageur s’il souhaite commercialiser les cellules en rez-de-chaussée.

Nous avons développé la même démarche sur le quartier de la République avec une nouvelle étude d’Objectif Ville et le même procédé pour choisir un opérateur. Notre ambition est d’encore mieux gérer « la question de l’attente » c’est-à-dire l’accueil de commerces dès les premières livraisons. Une gestion provisoire peut s’imaginer avec des activités temporaires de type pop-up stores, ou celles plus orientées sur l’alimentation ; ou bien avec des activités issues du tissu d’industries culturelles et créatives, avec des petites structures qui évoluent vite. On peut envisager de faire des baux précaires puis d’installer des activités plus pérennes. A suivre !

***

Retrouvez les cas d’études précités et bien plus encore dans notre ouvrage sur le commerce, réalisé et co-écrit en partenariat avec Catherine Sabbah, Déléguée générale de l’IDHEAL et Pascal Madry, Directeur de l’Institut pour la Ville et le Commerce (IVC).

Avec le soutien d’ARP AstranceBellevillesDe WatouGroupe ChesséGroupe FreyGrand Paris AménagementP2iSAMOASODESSOGARIS, à paraître à l’automne 2021.

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